La dépression n’est pas glamour. Il n’y a ni beauté ni sens dans nos luttes contre ce mal et nous ne sommes pas des héros auréolés pour avoir tenu bon. Personne ne reconnaît nos souffrances et personne ne voit notre bravoure. De l’extérieur, le dépressif est encore vu comme un être végétatif, déficient, parasitaire. Cette épreuve ne nous rend pas meilleur. Après un épisode dans les abysses, il n’y a pas de grandes épiphanies, notre monde n’est pas radicalement transformé et la vie ne devient pas un long fleuve tranquille une fois que l’on a battu la bête. C’est un apprentissage quotidien où la résilience devient un sport de haut niveau.
Lire la suite « Mon année de repos et de détente d’Ottessa Moshfegh »Étiquette : roman
De la mélancolie dans Frankenstein de Mary Shelley
Monument littéraire et mythe incontournable de la culture populaire, Frankenstein reste pourtant un classique méconnu. Souvent, Frankenstein est confondu avec sa créature, pourtant sans nom dans le roman et les personnages sont caricaturés à l’extrême, alors que le texte révèle leur complexité et leur sensibilité. Écrit par Mary Shelley à vingt ans à peine, Frankenstein décrit la descente aux enfers d’un scientifique qui parvient à répliquer la vie dans un style qui confond les genres, entre roman gothique et science-fiction. Écrit à une époque où les débats sur l’évolution font rage, il reste d’actualité pour réfléchir sur les questions de transhumanisme, de clonage et de sentience. Dans sa fluidité et sa hardiesse, le récit présente plusieurs niveaux de lecture. J’y vois notamment un thème persistant, pourtant peu mentionné dans les critiques : la mélancolie. En effet, l’expérience de la dépression y est décrite avec une justesse sans pareil et il serait intéressant de s’y pencher.
Lire la suite « De la mélancolie dans Frankenstein de Mary Shelley »Les belles endormies de Kawabata
Ce sont des clients de tout repos qui viennent passer la nuit aux bras de corps jeunes et drogués, plongés dans un profond sommeil dont on ne peut être réveillé. Auprès de ces jeunes femmes inconscientes, des vieillards cherchent les relents d’une sensualité émasculée et un ersatz du grand repos. Dans Les belles endormies, Yasunari Kawabata nous décrit cette maison close à la fois sublime et monstrueuse à travers les yeux d’Eguchi, un homme âgé qui ne s’avoue pas encore vaincu par la vieillesse. C’est un roman particulier, où la beauté côtoie l’horreur, servi par une écriture épurée sans pareil.
Lire la suite « Les belles endormies de Kawabata »Relire ses classiques : Narcisse et Goldmund de Hermann Hesse
Lus dans mon adolescence, les romans de Hermann Hesse ont une résonance très différente aujourd’hui. À un âge où l’on se cherche encore, où l’on est empêtré dans la rêverie et l’abstraction d’une vie à peine ébauchée, la lecture de Hesse se perd dans la beauté des symboles, elle est aussi très individualiste : de son « individualisme au service de la communauté », nous ne retenons que la première partie. Avec l’âge et l’accumulation d’expériences de vie, de nouvelles couches de l’œuvre hessienne se dévoilent à moi et j’y retrouve un plaisir toujours renouvelé. Narcisse et Goldmund est une œuvre emblématique de l’auteur, bien que moins connue. C’est à la fois un récit passionnant et une réflexion sur l’art, la pensée, l’amitié et l’ambiguïté de la vie.
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