Notes de lecture

Ce que Joan Didion veut nous dire

Le centre ne tiendra pas. S’il y avait une façon de décrire l’œuvre de Joan Didion, ce serait bien celle-là : l’effondrement, ou comme elle le dit souvent, l’atomisation. Le documentaire de Griffin Dunne en fait un portrait saisissant. Mais lire Joan Didion dans le texte, de préférence dans sa langue originale, est une expérience intime qui ne peut être répliquée à l’écran. Nous sommes en contact direct avec son style déroutant et ici, le style et le contenu sont une seule et unique chose : le spectacle d’un monde toujours plus complexe et plus étrange, une confusion générale retranscrite avec un grand souci de précision. La volonté de décrire, sans jugement. Ou alors différer le jugement, le temps de bien comprendre la situation, d’en distinguer toutes les nuances.

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Notes de lecture

Le Baron perché d’Italo Calvino

Le jour où on lui servit des escargots, Côme, le petit Baron, a quitté la table à manger et s’est hissé sur un arbre en signe de protestation. Il avait alors douze ans. Depuis, sa vie est une suite d’aventures, mais toujours en suspension. Du chêne, au figuier, en passant par le magnolia, il a fait le tour de la végétation d’Ombreuse*, sans jamais mettre un pied à terre. Sur les branches, touffues le printemps et nues l’hiver, il s’est fait tout un monde. Il s’est construit un foyer ambulant, a mutiné contre les aristocrates et a vécu un amour fou avec une amazone. Ermite dans l’âme, il a aussi beaucoup lu et entretenu des correspondances avec le fleuron de l’esprit des Lumières : Kant, Rousseau, Voltaire, Diderot… Le contraste entre les idéaux humanistes de ses idoles et la réalité au sol était flagrant. La désillusion n’était jamais bien loin.

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Parenthèses

Comment la science-fiction peut-elle nous aider à vivre dans le monde actuel ?

Quand nous parlons de lecture comme remède aux maux de notre temps, c’est souvent comme une forme d’évasion. Il s’agit de tourner son dos à la réalité et de trouver répit dans un monde fictif. C’est, quelque part, une forme d’oblomovisme. Or, je suis d’avis que la force de l’imaginaire est justement dans sa capacité à nous ancrer dans le monde au lieu de nous en éloigner. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on plonge dans la littérature spéculative.

Pour Isaac Asimov, la science-fiction est une escapade vers la réalité. En effet, elle nous met face à face avec les réalités les plus dérangeantes de notre monde, poussées à leurs extrêmes ou mises en contraste avec un idéal. Des auteurs comme Aldous Huxley, Philip K. Dick ou encore Frank Herbert peuvent nous aider à faire sens de ce fameux monde d’après, de trouver des premiers éléments de réponse à la question de la vie par-delà la crise.

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Listes, Parenthèses

L’art de ne rien faire : comment restaurer son attention à l’ère des réseaux sociaux ?

Mon été a été particulièrement calme. Probablement sous l’effet de ma lecture de juillet : Comment ne rien faire (How to Do Nothing, Jenny Odell). Il s’agit d’un pamphlet contre le productivisme et pour la restauration de notre attention à l’ère de la suprématie digitale. Dans un moment de ma vie où je remets en question mes notions de performance et de réussite, cet essai a été particulièrement éclairant. L’autrice m’a rappelé les vertus de l’oisiveté, de la contemplation, de la rêverie, de ces moments de latence qui donnent tout son sens à l’action.

Depuis cette lecture, certaines choses ont changé, lentement mais sûrement. J’ai appris à mettre les écrans de côté et à regarder ailleurs, pas par discipline, parce que c’est bon pour moi, mais tout simplement parce que je m’intéressais sincèrement à mon environnement immédiat. Ma concentration s’est restaurée le plus simplement du monde et durant ces longs mois chauds, je me suis réconciliée avec mon horloge interne. J’ai enfin compris ce que les taoïstes voulaient dire par Wu Wei : le non-agir ou l’action naturelle. Paradoxalement, c’est aussi pendant cette période que j’ai lu le plus. Je vous partage donc ici quelques-unes des lectures qui m’ont le plus marquée parmi les livres que j’ai parcourus cet été, avec beaucoup plaisir et sans préméditation.

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