Monument littéraire et mythe incontournable de la culture populaire, Frankenstein reste pourtant un classique méconnu. Souvent, Frankenstein est confondu avec sa créature, pourtant sans nom dans le roman et les personnages sont caricaturés à l’extrême, alors que le texte révèle leur complexité et leur sensibilité. Écrit par Mary Shelley à vingt ans à peine, Frankenstein décrit la descente aux enfers d’un scientifique qui parvient à répliquer la vie dans un style qui confond les genres, entre roman gothique et science-fiction. Écrit à une époque où les débats sur l’évolution font rage, il reste d’actualité pour réfléchir sur les questions de transhumanisme, de clonage et de sentience. Dans sa fluidité et sa hardiesse, le récit présente plusieurs niveaux de lecture. J’y vois notamment un thème persistant, pourtant peu mentionné dans les critiques : la mélancolie. En effet, l’expérience de la dépression y est décrite avec une justesse sans pareil et il serait intéressant de s’y pencher.
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Les derniers jours d’Emmanuel Kant
Dans le paysage littéraire anglais du 19ème siècle, Thomas De Quincey est un auteur à part. Ni franchement romancier, ni tout à fait essayiste, il a expérimenté avec diverses formes d’écriture sans jamais respecter les codes d’aucune, toujours avec humour. Dans Les derniers jours d’Emmanuel Kant, il se base sur Kant intime, ouvrage réalisé par trois des disciples du philosophe : L.E. Borowski, R.B. Jachmann et E.A. Wasianski. C’est la voix de ce dernier que De Quincey emprunte pour faire le récit de la déchéance physique et mentale de Kant. Sans sarcasme apparent, le texte est écrit avec un sens du détail extrême, qui laisse entendre que l’écrivain y prend un malin plaisir. Petit livre d’une centaine de page, j’ai lu Les derniers jours d’Emmanuel Kant d’une seule traite, avec des impressions mitigées.
Typhon de Joseph Conrad et le charme des vieux livres moisis
Ma rencontre avec Typhon de Joseph Conrad (1) s’est faite chez un bouquiniste de Rabat où il sentait bon le papier jauni, au milieu d’une pile de volumes poussiéreux sur le code pénal algérien ou la grammaire allemande. Je ne suis pas une grande lectrice de littérature anglo-saxonne, mais ce petit volume de Hachette, dont le vert vif continuait de transparaitre sous les écornures et les taches brunes, attira mon regard.
Cette édition de 1923 a été traduite par André Gide et illustrée par un certain Émilien Dufour. Le format illustré en noir et blanc me rappela les Jules Verne que je lisais enfant. Sur la première page, on pouvait lire le nom de la dame qui l’avait acheté en 1945, on ne sait où et sous quelle impulsion. Mais tous ces petits détails, tous ces petits mystères, me donnèrent envie de prendre ce livre et par là même de découvrir un auteur que je n’aurais peut-être jamais lu autrement.
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Apprendre à souffrir avec Chantal Thomas
« Ma souffrance n’intéresse personne. » Dès que j’ai lu cette phrase, je me suis sentie en confiance, j’avais envie de me laisser happer par Souffrir de Chantal Thomas. Je me sentais comprise, je sentais que l’auteure avait touché à une corde sensible, à la texture même de la souffrance. Une souffrance faite de chair, de sang et de nerfs.
Je savais que ça ne serait pas un essai purement académique, froid et distant. En témoigne l’usage récurrent du « je ». C’est un regard personnel sur la souffrance, nourri de références littéraires et philosophiques. Chantal Thomas est une spécialiste de la littérature du 18ème siècle. Au fil des pages, Madame de Staël, Julie de Lespinasse, Sade, Sacher-Masoch ou même Dostoïevski nous livrent leurs expériences et leurs conceptions de la souffrance.