Ah ! Ces Grecs comme ils savaient vivre. Cela demande la résolution de rester bravement à la surface, de s’en tenir à la draperie, à l’épiderme, d’adorer l’apparence et de croire à la forme, aux sons, aux mots, à tout l’Olympe de l’apparence. Les Grecs étaient superficiels… par profondeur.
La Grèce antique continue de fasciner par sa culture, ses institutions politiques novatrices, ses arts raffinés et sa pensée riche. Entre réalité et idéal, il y a beaucoup de fossés et l’histoire éclaire aujourd’hui une Grèce qui, sans être le paradis du raffinement longtemps fantasmé par les hellénistes, est haute en couleurs. Quoi qu’il en soit, la civilisation grecque nous offre aujourd’hui encore de nombreux joyaux de l’esprit. Voici ma sélection de quatre textes, de poésie, de théâtre, de philosophie, comme autant de portes d’entrée dans la sagesse hellénique.
L’Odyssée d’Homère
Épopée célèbre mais peu lue dans le texte, l’Odyssée est un poème lyrique qui relate le voyage de retour d’Ulysse, après une longue dérive par les mers. Le texte est riche en aventures et en rencontres aussi bien humaines que divines. C’est une fenêtre ouverte sur la mythologie grecque et donc sur l’esprit grec dans toute sa subtilité. Le caractère antique du texte peut décourager, mais c’est l’occasion de découvrir une langue, une esthétique et une poésie tout autres de ce que nous avons l’habitude de lire. Une fois que l’on s’est plongé dans cet univers, l’on découvre une méditation intemporelle sur le voyage et à la mémoire, qui continue de faire rêver des siècles plus tard.
Les pièces théâtrales d’Eschyle
Un des plus grands dramaturges de la Grèce antique, Eschyle nous a légué plus de cent dix pièces de théâtre dont seulement sept nous sont parvenues. Il fut probablement l’un des premiers dramaturges à multiplier les acteurs sur scène, après une longue tradition du monologue. Chez Eschyle, le drame est d’abord l’occasion de réfléchir sur la politique de la cité, les dieux et les affaires humaines. Il met en avant sa conception sans la démontrer ou l’analyser, rien qu’en montrant par le récit et la mise en scène. Son principal souci est l’ordre et l’équilibre de la cité, sans anarchie ni despotisme. Cela en fait une lecture qui a encore des échos en théorie politique et qui serait le parfait complément pour « Qu’est-ce que la démocratie directe? » de Fabrice Wolff dont j’ai fait la recension ici :
Le banquet et Phèdre de Platon
Dans ses dialogues socratiques, Platon trouve une façon originale d’allier philosophie et récit, tout en dressant un portrait vivant de la Grèce antique. Le banquet est probablement son dialogue le plus connu, mais sans Phèdre, c’est un texte incomplet. Le banquet décrit cela exactement, et au milieu de la bonne chère, étendus sur leurs divans, un groupe d’Athéniens discutent de la nature de l’amour. Nous notons également la présence d’Alcibiade, jeune homme aux charmes très appréciés par ses contemporains, amour sans espoir de Socrate, indifférent à ses simagrées tout au long de la soirée. Au fil de la discussion, en soi intéressante, ce sont des petites tensions souterraines telles que celle-ci qui se dévoilent et donnent du piquant au récit. Phèdre est aussi de la partie et dans son dialogue éponyme, Platon le met en scène avec Socrate, se promenant le long des murailles d’Athènes tout en méditant sur l’amour et la beauté, des notions clés pour comprendre la culture des Grecs, esthètes par excellence.
Lettres, maximes et sentences d’Épicure
La Grèce antique, c’est aussi et surtout un art de vivre. Eux qui étaient réconciliés avec la terre et la vie, ont porté une grande attention à ces thèmes. Dans un univers complexe, peuplé de forces contraires, où l’humain est abandonné à son sort, à tout moment au bord du chaos, la question du comment vivre était tout sauf superflue. Des écoles telles que l’épicurisme et le stoïcisme en on fait le cœur battant de leur philosophie. Mais à une époque où les valeurs stoïques sont exaltées à l’excès, je pense que nous pouvons trouver un antidote chez Épicure. Penseur du plaisir dans son acception large et non seulement sensualiste, il nous donne les clés pour atteindre un bonheur possible. Dans son jardin où tous étaient bienvenus, sans distinction de race ou de genre, il apprend à ses disciples à trouver un bien-être durable dans la mesure, la recherche de la connaissance et l’amitié.
Accoutume-toi à penser que la mort, avec nous, n’a aucun rapport ; car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or, la mort est privation de sensation. Il s’en suit qu’une connaissance correcte du fait que la mort, avec nous, n’a aucun rapport, permet de jouir du caractère mortel de la vie, puisqu’elle ne lui impose pas un temps inaccessible, mais au contraire retire le désir de l’immortalité.
Épicure, Maximes capitales

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