Cette fin d’année a été une lente décrépitude. J’ai perdu toute notion du temps et je n’avais bientôt plus de structure dans ma journée. J’avais désespérément besoin d’ordre et de discipline. Je me suis dit que je pourrais me remettre à tester des routines d’écrivain.e.s pour recommencer à construire la mienne. Cette fois, j’ai choisi un tempérament sensiblement différent du mien. Simone de Beauvoir ne vivait pas en ermite. Elle jouissait d’une vie sociale épanouie au même temps qu’une vie intellectuelle intense. Pendant toute la journée du vendredi 4 janvier, j’ai suivi la routine qu’elle a partagée dans une interview au Paris Review en 1965.
9.00
Contrairement à Tolstoï, Beauvoir n’est pas du matin. Tasse de thé en main, elle redoute de commencer sa journée. Comme quoi un peu de procrastination ne fait de mal à personne. J’ai commencé ma journée de la même façon, je me suis laissée aller sans culpabilité à la procrastination. J’ai trouvé agréable de prendre ainsi le temps de déguster ma dose de caféine.
10.00
Beauvoir commence enfin à travailler. Elle se relit puis reprend son élan d’écriture. Seulement voilà, quand je me relis, je vois des lacunes partout, j’ai envie de tout recommencer ou de tout laisser tomber, selon l’humeur. Je ne recommande donc pas la relecture juste avant l’écriture à des natures aussi susceptibles. Par contre, si vous êtes aussi calmes et posés que Simone de Beauvoir, vous pouvez vous y essayer.
13.00
Simone de Beauvoir arrête de travailler. Il faut dire que trois heures de labeur, c’est le minimum syndical selon Paul Lafargue. Il est temps de sortir voir du monde et se détendre. J’en ai profité pour jeter un coup d’oeil à l’exposition de Paula Rego au Musée de l’Orangerie. J’en suis sortie rafraichie. Paula Rego s’inspire des contes et des classiques littéraires de son enfance pour créer une œuvre figurative, sombre et distordue. Les femmes y apparaissent denses, souvent musclées, aux antipodes des canons européens de la beauté. Loin d’être de simples décorums sur la toile, elles agissent. Leurs visages expriment cruauté et amusement. L’artiste prend toutes ses libertés, elle bouleverse les hiérarchies et les normes avec un certain sens du burlesque. Après l’exposition, j’ai passé une petite heure avec une amie. Finalement, cette après-midi de libre m’a fait du bien.
17.00
Beauvoir ne fait que peu de cas du droit à la paresse de Lafargue. À dix-sept heures, elle se remet au travail. Voilà qui était complètement contraire à mes habitudes. En fin d’après-midi, j’ai le cerveau en compote et je suis prête à tout arrêter jusqu’au lendemain. Mais bizarrement, ce jour-là, je me sentais complètement capable de m’y remettre. Probablement grâce à la parenthèse revigorante au milieu de ma journée.
21.00
Simone de Beauvoir arrête enfin de travailler. Ça laisse peu de temps pour se détendre et dormir tôt le soir. Et dîner aussi tard, je trouve cela tout simplement odieux.
Bref, c’est une routine pour créatures nocturnes. Pour détendre mes neurones, j’ai terminé la soirée en regardant La cité de la peur, ultime chef-d’œuvre de futilité.
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